Il n’y a rien de plus triste que de voir
pleurer un artiste sensé faire rire le public. Le grand comique
algérien Abdelkader Secteur ne cache pas sa tristesse devant le drame de
la fermeture des frontières terrestres algéro-marocaines, lors d’une
interview accordée à Hit radio et dont la vidéo circule sur youtube .
Evidement, il n’est pas le seul artiste
maghrébin à dire sa désapprobation devant cet état de fait mais les
larmes de Abdelkader Secteur sont symboliques à plus d’un titre.
Du fait que ce comique est sensé,
d’abord, nous faire rire, ses larmes nous interpellent ou plutôt
interpellent les décideurs des deux pays sur la gravité du drame humain
engendré par la fermeture des frontières.
La symbolique de ses larmes atteint son
paroxysme quand on sait qu’il a un statut spécial : c’est un frontalier.
Si on n’appréhendait pas de verser dans le cynisme on dirait que ces
larmes sont légitimes : Abdelkader Secteur habite la ville de Ghazaouet
qui se trouve à trente kilomètres d’Oujda. Il est obligé, pour visiter
cette dernière, de parcourir des milliers de kilomètres par voie
aérienne. Ainsi, ce comique frontalier partage intimement le drame
que vivent des milliers de familles de part et d’autre des frontières
fermées. Les liens familiaux y sont très forts. Il arrive de voir le
père et mère d’un côté et les enfants de l’autre. Il est important de
rappeler que les frontières terrestres ne sont devenues une réalité
pour cette population qu’à la suite de la colonisation de l’Algérie par
la France. Ce qui est une courte période dans l’histoire de cette
région. Les frontaliers circulaient librement pour se rendre visite ou
faire du commerce.
De ce fait, il existe une grande
affinité culturelle entre la région de l’oriental marocain et la région
de l’Oranie algérienne. Il est même possible de dire que ces deux
régions ont plus de ressemblances entre elles qu’avec le reste des
régions de leur pays respectif. D’ailleurs, souvent, Abdelkader
Secteur est pris pour un oujdi tant l’accent, les expressions et
l’humour sont les mêmes. Cela explique certainement le grand succès de
ce comique de ce côté de la frontière.
Est-il possible que les larmes de cet
artiste comique puissent toucher les décideurs politiques des deux pays?
Seraient-elles plus efficaces que les différents plaidoyers de notre
association Ryage.com pour le développement humain et culturel de la
région de l’oriental, qui œuvre, depuis 2007, pour que des solutions
humanitaires soient trouvées aux familles séparées par la fermeture des
frontières ?
Nous intercédons pour que ces familles
soient recensées et que leur soient octroyés des laissez-passer, des
télégrammes de passage ou que leur soit fixé un jour de visite.
Jusqu’à présent, nous sommes confrontés au seul mutisme officiel. La
récente Direction de la diplomatie parallèle du Ministère des affaires
étrangère pourrait, pourtant, relayer notre plaidoyer. Nous ne
revendiquons que des solutions humanitaires à un drame humain !
Les familles sahraouies voient bien pour
pouvoir se visiter, des avions mis à leur disposition avec l’appui du
Haut Commissariat aux réfugiés. Pourquoi rien n’est fait pour les
familles séparées par la fermeture des frontières terrestres par
l’Algérie ? Les deux situations sont pourtant liées au même problème: le
sempiternel conflit géopolitique algéro-marocain. Faut-il y voir une
discrimination entre les drames humains ?
Est-il logique de dire que l’application
du droit humanitaire international au Sahara est justifiée par
l’existence d’un conflit? Nous savons tous que depuis la récupération
des territoires sahraouis, le Maroc y exerce pleinement sa souveraineté
et que ce conflit n’existe que sur la paperasse onusienne !
En attendant l’impact des larmes de Abdelkader Secteur, les frontaliers n’ont, à leur tour, que leurs yeux pour pleurer.
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